Santé

Arrêt du tabac et prise de poids, démystifions les idées reçues

2023-03-14
La photo montre un portrait de Juliette Hazart, médecin addictologue et rédactrice pour le blog de Barnabe.io.
Juliette Hazart
Médecin addictologue et nutritionniste
L'image montre une main qui tient un paquet de cigarette et une main qui refuse la cigarette.

Arrêt du tabac et augmentation de l’appétit n'est pas une association systématique. Ensemble, démystifions les idées reçues autour de la prise de automatique lorsque nous arrêtons de fumer.

Quels sont les bénéfices pour la santé à l'arrêt du tabac ?

À l’arrêt du tabac, les bénéfices sont nombreux, prouvés et immédiats ! Pour commencer, gardez à l’esprit ceux qui résonnent en vous et vous accompagneront dans votre démarche d’arrêt ou de maintien d’arrêt du tabac.

Notez que quelles que soient la quantité de tabac consommée et la durée du tabagisme, au bout de :

  • 20 minutes : les chiffres de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque (1) reviennent au niveau de base ;
  • 8 heures : l'oxygénation des cellules est normalisée ;
  • 24 heures : la nicotine est éliminée de l'organisme, le taux du monoxyde de carbone (CO) (2) expiré est normalisé ;
  • 48 heures : le goût et l'odorat sont améliorés, la qualité du sommeil est meilleure. La croissance du fœtus se normalise ;
  • 72 heures : respirer devient plus facile. Les bronches commencent à se relâcher et vous vous sentez plus énergique ;
  • 2 semaines à 3 mois : vous récupérez du souffle et marchez plus facilement ;
  • 1 à 9 mois : les cils bronchiques (3) repoussent et vous êtes de moins en moins essoufflé.e ;
  • 5 à 15 ans : le risque d’AVC est égal au risque du non fumeur ;
  • 10 ans : le risque de cancer du poumon est divisé par deux ;
  • 15 ans : le risque de maladie coronarienne (4) est égal au risque du non fumeur ;
  • 10 à 15 ans : l’espérance de vie redevient identique à celle des personnes n’ayant jamais fumé.

Et vous qu’est-ce qui vous motive ou vous a motivé dans votre démarche d’arrêt du tabac ?

Arrêt du tabac : quels sont les mécanismes de dépendance ?

L’absorption des substances de la fumée à travers les poumons est ultra-rapide, en une à deux secondes. Les substances arrivent dans le cerveau en 8 à 10 secondes d’où la rapidité de l’effet du tabac après une bouffée ! C’est la nicotine dans le tabac qui est très addictive. Le tabagisme est un comportement entretenu et amplifié par la dépendance en particulier à la nicotine.

Pourquoi ? Du fait de renforçateurs positifs et négatifs de la dépendance.

Quels sont les renforçateurs positifs de la dépendance au tabac ?

La consommation de tabac entraîne des sensations positives liées aux propriétés psychotropes de la nicotine qui vont entretenir le comportement, c’est-à-dire la consommation de tabac. On appelle cela le renforcement positif. Formulé autrement, on peut dire qu’il existe une compulsion à prendre le produit de façon régulière, à ressentir ses effets psychiques. Les propriétés de la nicotine qui interviennent dans ce mécanisme sont les propriétés anorexigènes (5), antinociceptives (6), hédoniques (7), psychostimulantes (8), anxiolytiques (9) et antidépressives.

Quels sont les renforçateurs négatifs de la dépendance au tabac ?

À côté des renforçateurs positifs de la dépendance, il existe des renforçateurs négatifs. En effet, la sensation de manque entraîne la consommation de tabac. C’est le renforcement négatif. Formulé autrement, on peut dire qu’il existe une compulsion à prendre le produit de façon régulière pour éviter l’inconfort de son absence c’est-à-dire le sevrage. Les renforçateurs négatifs de la dépendance correspondent aux symptômes de sevrage comme : le besoin impérieux de nicotine, l’irritabilité et la frustration, l’anxiété, la difficulté de concentration, l’agitation, l’insomnie ou encore l’augmentation de l’appétit.

Le syndrome de sevrage tabagique peut apparaître à l'arrêt de la consommation du tabac. En effet, 70 % des personnes expérimentent des urgences à fumer, une augmentation de l'appétit avec prise de poids. Pour 60 % d'entre elles, elles évoqueront une humeur dépressive, des troubles de la concentration, une anxiété, une impatience. 50 % d'entre elles de l'irritabilité et enfin pour 25 % d'entre elles des troubles du sommeil.

Tabac et prise de poids, comment la prévenir ou la réguler ?

Se peser régulièrement

En prévention, il est intéressant de surveiller régulièrement son poids afin de prévenir une prise de poids importante à l'arrêt du tabac. A l’arrêt du tabac, la prise de poids est possible mais ne concerne pas tout le monde. C’est une possibilité, et, dans ce cas, vous allez en fait atteindre votre poids qui est lié à votre âge et à votre patrimoine génétique. La prise de poids est en moyenne de 4 à 5 kg dans l’année suivant le sevrage, l’essentiel de la prise de poids se faisant dans les trois premiers mois.

Adopter une alimentation variée et équilibrée

L’arrêt du tabac peut être l’occasion d’une prise de conscience de son alimentation et pour adopter une alimentation équilibrée, variée et respectueuse de l’environnement. Il n’est pas question de régime au sens de restriction et de suppression totale de certains aliments de son mode d’alimentation. En effet, cela causerait des frustrations. Manger de tout, lentement pour favoriser la satiété dès les besoins nutritionnels atteints. Il est conseillé de limiter les apports en aliments riches en graisses saturées et les aliments à index glycémiques élevés, d’augmenter l’apport en oméga 3 (noix, huile de colza, de soja, de lin, poissons gras comme le saumon, le thon, le maquereau, le hareng, la sardine et l'anchois…) et en aliments riches en fibres. On favorise la consommation quotidienne de fruits et de légumes et d’aliments à index glycémique bas comme les légumineuses. Maintenir le plaisir est essentiel avec par exemple un dessert, si possible maison, 1 à 2 fois par semaine.

Faire appel à un professionnel

N’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel sur le plan nutritionnel (médecin traitant, diététicien, médecin nutritionniste…) dès l’arrêt voire dès le projet d’arrêt du tabac. Dans certains cas, si cela est indiqué dans votre situation, le professionnel vous conseillera une réduction de l’apport calorique. Vous pouvez aussi consulter le site tabac-info-service.fr et téléphoner au 3989 pour échanger avec un tabacologue, l’appel est gratuit.

Pratiquer régulièrement un sport

Pratiquer un sport régulièrement durant le sevrage tabagique favorise un sevrage confortable et augmente les chances de succès d’arrêt du tabac. En effet, une activité physique régulière durant le sevrage limite les symptômes du syndrome de sevrage et le craving (10), favorise un bon transit intestinal, évite la constipation parfois présente, limite la prise de poids, régule l’humeur, diminue le niveau de stress, augmente les capacités pulmonaires, cardiaques et de récupération.

Quel type d'activités physiques pratiquer à l'arrêt du tabac ?

Choisissez les sports qui vous font plaisir et pratiquez à votre rythme. Privilégiez si possible les sports d’endurance qui favoriseront la pratique d’une activité régulière et progressive sans essoufflement ni fatigue excessive : vélo, course à pied, aviron, rameur à la maison, natation… Pensez si possible à alterner activités physiques à visée cardiorespiratoire et celles à visée musculaire.

Tout type d’activité physique constitue de l’exercice ! Par exemple, les activités physiques de la vie quotidienne, comme le jardinage, le ménage ou faire les magasins à pied.

Quelle quantité d'activité physique ?

Pour les personnes en bonne santé, il est recommandé en France pour les adultes de pratiquer l’équivalent d’au moins 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée (par exemple la marche rapide) au minimum 5 fois par semaine en évitant de rester 2 jours consécutifs sans pratiquer. Pour les enfants et les adolescents, on recommande l’équivalent d’au moins 60 minutes par jour. Dans tous les cas, avant de débuter un sport, demandez toujours conseil à votre médecin.

S’entourer de professionnels de santé spécialiste du sevrage tabagique

Médecin addictologue, médecin généraliste, infirmier, sage-femme, tabacologue… Selon votre situation, un professionnel spécialisé pourra vous prescrire des traitements nicotiniques de substitution (patch, gommes à mâcher, pastilles à sucer à la nicotine…).

Ces traitements réduisent l’envie de fumer et les symptômes de sevrage avec un apport quotidien et ciblé de nicotine. Les études montrent également leur intérêt pour limiter la prise de poids en diminuant les fringales qui peuvent apparaître au cours du syndrome de sevrage.

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)  

Pour accompagner la dépendance psycho-comportementale qui est présente dans l’addiction au tabac, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont reconnues comme efficaces. Elles participent au développement ou au maintien de la motivation, aident à gérer les situations ou pensées qui conduisent à la consommation et sont en particulier indiquées pour les routines comportementales (tabac associé au café, à la voiture, à de mauvaises nouvelles…). Elles peuvent aussi être indiquées dans la régulation du poids corporel.

Aides complémentaires

Dans ma pratique, j'utilise des techniques de méditation de pleine conscience afin de modifier les comportements addictifs dans la durée, réguler le stress et les émotions.

La pratique de la pleine conscience permet en effet de promouvoir une alimentation consciente et s’avère utile dans le cadre de la gestion du poids corporel. Elle permet de rétablir une nouvelle relation avec la nourriture. La mindfulness appliquée à l’alimentation consciente permet en prenant conscience des émotions et des sensations physiques de savourer pleinement le fait de manger, de nous reconnecter avec la sensation de faim, de satiété et de modifier ses réactions automatiques et modes de pensée habituels. Prendre conscience des connexions entre nourriture et émotions permet de faire des choix alimentaires éclairés et de se faire plaisir avec des quantités adaptées de nourriture.

Notes de bas de page :

(1) Nombre de battements du cœur par minute

(2) Présent dans la fumée du tabac, le CO remplace l'oxygène dans le sang et réduit la quantité d'oxygène disponible pour les muscles, le cœur, le cerveau...

(3) Les bronches sont tapissées de cellules présentant des prolongements semblables à des cheveux très fins appelés cils. Les cils bougent rapidement pour faire remonter le mucus dans les bronches, d'où il est évacué quand on tousse ou quand on avale.

(4) Maladie qui touche les artères ayant pour fonction d'alimenter le cœur en sang (artères coronaires).

(5) Qui provoque une perte de l'appétit

(6) Qui inhibe la sensibilité à la douleur

(7) Qui se rapporte à la recherche de plaisir

(8) Qui stimule l'activité mentale, la vigilance, l'attention

(9) Qui aide à réduire les symptômes de l'anxiété

(10) Envie impérieuse et irrépressible

Participer à des ateliers santé, forme et bien-être de groupe

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