Santé

Comment gérer le stress et la déprime à l’arrêt du tabac ?

2023-01-26
La photo montre un portrait de Juliette Hazart, médecin addictologue et rédactrice pour le blog de Barnabe.io.
Juliette Hazart
Médecin addictologue et nutritionniste
La photo montre une cigarette qui se consomme avec le mot stress écrit sur la cigarette.

Vous souhaitez arrêter de fumer mais vous avez peur d'être stressé.e ou vous appréhendez une période de « déprime » ? Ensemble, décortiquons les mécanismes de l'addiction et regardons de plus près les méthodes pour arrêter sereinement le tabac. Vous n'êtes pas seul.e !

Comprendre pour agir : les mécanismes de l’addiction

Dépendance physique

Dans la fumée de tabac c’est la nicotine, substance addictive, qui est à l’origine de la dépendance. La nicotine est concentrée dans la fumée et diffuse rapidement dans le sang. Elle arrive au cerveau et se fixe sur les récepteurs ce qui a pour conséquence la libération de messagers, les neurotransmetteurs, contribuant à la régulation de l’anxiété et de l’humeur en libérant, noradrénaline, dopamine et sérotonine. L’absorption des substances de la fumée à travers les poumons est ultra rapide : en 1 à 2 secondes. La nicotine est très addictive mais n’entraîne pas de pathologie. Elle n’est pas carcinogène, contrairement aux idées reçues. La nicotine active des circuits de neurones ou cellules nerveuses associées à la récompense, au plaisir. D’où l’effet relatif de bien-être ressenti après une bouffée de cigarette, la nicotine atteignant le cerveau en 8 à 10 secondes !

Effets de la nicotine

La consommation de tabac entraîne des sensations positives liées aux propriétés de la nicotine qui vont entretenir le comportement, c’est-à-dire la consommation de tabac. Les propriétés de la nicotine qui interviennent dans ce mécanisme sont les propriétés psychostimulantes (1), anxiolytiques (2) et antidépressives (3). À côté des renforçateurs positifs de la dépendance, il existe des renforçateurs négatifs. La sensation de manque entraîne la consommation de tabac : c’est le renforcement négatif. Il existe une compulsion à fumer de façon régulière pour éviter l’inconfort de son absence c’est-à-dire les symptômes de sevrage comme l’irritabilité, la frustration, l’anxiété, les difficultés de concentration, l’agitation, l’insomnie ou encore la déprime…

Sevrage tabagique, déprime et stress : démonter les idées reçues

Signes principaux du syndrome de sevrage

Le syndrome de sevrage tabagique peut apparaître à l'arrêt de la consommation du tabac, mais ça n’est pas automatique. En effet, 70% des personnes connaissent des urgences à fumer. Pour 60% d'entre elles, elles évoquent une humeur dépressive, des troubles de la concentration, une anxiété, une impatience. 50 % d'entre elles perçoivent de l'irritabilité et 25% des troubles du sommeil. L’association entre dépression et sevrage tabagique est une idée fausse. A contrario, c’est la consommation de tabac au long cours qui augmente le risque de développer une dépression par rapport aux non-fumeurs. A long terme, l’arrêt du tabac améliore l’humeur.

Déprime et sevrage tabagique

La dépression est une maladie psychique à distinguer de la déprime. La déprime se caractérise par des signes occasionnels, ponctuels, non persistants qui peuvent être ressentis et liés au sevrage tabagique : baisse de moral, irritabilité, anxiété. La déprime est fréquente dans le syndrome de sevrage tabagique. Cette baisse de moral est dans tous les cas passagère à la différence d’une dépression. Ces sensations d’inconfort, quand elles sont présentes à l’arrêt du tabac, s’atténuent en environ 10 à 30 jours et disparaissent au bout de 2 mois. Elles peuvent de plus être limitées voire éliminées avec différentes techniques. La dépendance physique liée à la nicotine est en effet de relative courte durée.

Dépendance psycho-comportementale

La dépendance psychologique et comportementale peut perdurer plus longtemps que la dépendance physique. La dépendance psychique est provoquée par les effets de la nicotine et est liée aux croyances du fumeur.

Premier frein : « le tabac aide à réduire mon anxiété »

En effet, l'un des freins à l'arrêt du tabac évoqué par les fumeurs est souvent le fait qu'ils sont trop anxieux, qu'ils ont besoin de la cigarette pour se détendre et n'arriveront pas à s'en passer. Le sujet anxieux pense souvent que le tabac soulage son anxiété. En réalité, le tabac améliore l'anxiété et l'irritabilité liée au mini sevrage de nicotine entre 2 cigarettes mais n'a aucun impact sur l'anxiété de fond à long terme. La consommation de tabac aggraverait plutôt l'anxiété. A contrario, suite à l'arrêt du tabac, le niveau d'anxiété globale s'améliore. C'est un point important à intégrer afin de lever un des freins majeurs à l'arrêt du tabac.

Deuxième frein : « j'ai peur d'être stressé.e en arrêtant de fumer »

Il en est de même pour le tabac et le stress. La plupart des fumeurs redoutent d’être stressés à l’arrêt du tabac et c’est un des freins majeurs au sevrage. Les fumeurs pensent que le tabac relaxe et évoquent que la pause cigarette leur permet de faire le vide, de calmer le stress à la maison et au travail. Or, quand on fume, la nicotine crée une fausse sensation de détente. En effet, entre 2 cigarettes, le taux de nicotine dans le sang baisse et cela crée un mini sevrage qui se traduit par un état de tension et d’autres symptômes désagréables. Le fumeur est en manque et non pas stressé ! Une nouvelle cigarette va apporter la nicotine qui va faire disparaître les symptômes de manque et créer une pseudo-détente. Pour résumer, la cigarette est source de tension et non de détente !

Troisième frein : « apprendre à vivre dans son environnement habituel sans tabac »

La dépendance comportementale est quant à elle liée à l’environnement. C’est tout ce qui est en lien avec le geste, l’habitude, la convivialité (soirées, fêtes…). La cigarette devant l’ordinateur, la cigarette après le repas, la cigarette associée à la pause détente… C’est donc toute une stratégie à adopter pour le fumeur afin d’apprendre à vivre dans son environnement habituel sans avoir recours au tabac. Apprendre à trouver ses raisons personnelles de changer et ses propres stratégies. Réfléchir, dès le projet d’arrêt, à ce qu’il pourrait faire dans ces circonstances pour pallier l’envie ou éviter certaines situations trop confrontantes au début de son sevrage.

Comment arrêter sereinement le tabac ?

S’entourer de professionnels de santé

Un professionnel de santé (médecin addictologue, tabacologue, infirmier, sage-femme, médecin généraliste…) pourra vous prescrire des traitements nicotiniques de substitution afin de prendre en charge les dépendances physiques, c'est-à-dire à la nicotine selon le niveau de dépendance physique. Les traitements nicotiniques de substitution (patch, gommes, pastilles à la nicotine…) sont des médicaments recommandés pour soulager les symptômes de sevrage, réduire l'envie de fumer et prévenir les rechutes. Les études prouvent leur efficacité : le taux d'arrêt du tabac est doublé à six mois. Le taux de réussite du sevrage tabagique est généralement amélioré s'il est accompagné de conseils et d'un soutien. L’objectif des traitements nicotiniques de substitution est de prendre en charge les dépendances physiques, c'est-à-dire à la nicotine avec des traitements médicamenteux selon le niveau de dépendance physique.

On estime que le tabagisme est 2 à 3 fois plus fréquent chez les patients souffrant de troubles psychiques par rapport à la population générale. En cas de dépression avérée ou d’antécédents de dépression ou d’autres vulnérabilités psychiques, il est d’autant plus important de faire appel au soutien de professionnels de santé dès le projet d’arrêt, afin de choisir ensemble la bonne temporalité pour cet arrêt et d'être soutenu pour y parvenir.

Vous pouvez aussi consulter le site tabac-info-service.fr et téléphoner au 3989 pour échanger avec un tabacologue, l’appel est gratuit.

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

L'objectif du sevrage est de prendre en charge la dépendance physique mais aussi les dépendances psychologiques et comportementales. Pour accompagner la dépendance psycho-comportementale, les TCC permettent d’apprendre à gérer les situations ou pensées qui conduisent à la consommation. Par exemple : tabac automatiquement associé à « pause détente », tabac associé à « faire le vide »... La TCC peut être associée aux traitements médicamenteux.

Faire du sport, en trouvant une activité plaisir

La pratique régulière d’un sport est un allié pour réduire le niveau de stress et d’anxiété, réguler l’humeur et aider à limiter les effets de la déprime pouvant être ressentis suite à l’arrêt du tabac. De plus, une activité physique régulière durant le sevrage conduit à limiter les symptômes du syndrome de sevrage et le craving (4). Cela favorise un sevrage confortable et augmente les chances de succès d’arrêt du tabac.

L’essentiel est de pratiquer celui de son choix, qui fera plaisir ! 30 minutes par jour permettent de diminuer de 25 à 30% le risque de mortalité cardiovasculaire.

Avant la reprise d’une activité physique, il est important de veiller à consulter son médecin traitant.

Se récompenser

Se faire plaisir par exemple en utilisant l’argent économisé par l’arrêt du tabac pour une activité plaisir ou en l’économisant pour un projet à long terme qui tient à cœur !

Adopter des techniques complémentaires

Par exemple une technique psychocorporelle de son choix : méditation de pleine conscience, yoga, sophrologie…

Quand l’envie de fumer arrive, des techniques respiratoires simples vont permettre de calmer l’envie de fumer. Pratiquées régulièrement, en plus des moments où se présente l’envie de fumer, elles seront bénéfiques pour équilibrer le système nerveux et assurer une régulation du stress au long cours. Et qui dit moins de stress, dit moins de tentations de fumer !

Dans ma pratique, j’utilise la méditation de pleine conscience qui est un moyen de trouver la confiance au cœur de l’imprévisibilité. Elle consiste à prêter attention de façon délibérée aux pensées, aux émotions, aux sensations physiques, à l’environnement dans l’instant présent, et cela, sans jugement. La pratique régulière de la pleine conscience est un moyen de réguler le stress et les émotions, de réduire le niveau d’anxiété et de diminuer le risque de rechute en cas de dépression.

(1) Qui stimule l'activité mentale, la vigilance, l'attention

(2) Qui aide à réduire les symptômes de l'anxiété

(3) Qui permet de diminuer l'intensité, voire de faire disparaître les symptômes d'une dépression

(4) Envie impérieuse et irrépressible

Agir pour ma santé et mon bien-être

Sur Barnabe.io, trouvez un rendez-vous avec un professionnel de la santé et participez à des ateliers santé, forme et bien-être pour prendre soin de vous au quotidien.

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